demain
je me lève tôt parce que je veux voir les temples et les
crocodiles
et le
panorama
c'est
décidé
je
demain
je me lève tôt parce que je veux profiter de
l'aube
du
calme
du
petit
matin quand les
pêcheurs
s'ébrouent sur la plage et que les ruelles sont encore
paisibles
demain
je me lève tôt parce que ce n'est pas
raisonnable
comme ça de
grasse-matiner
de la sorte quand
le
monde tourne dans l'autre
sens
demain
je me lève tôt comme ça je pourrai
voir
le
bain de l'éléphant dans la rivière les
femmes
laver le linge dans la rivière les
enfants
se baigner dans la rivière les
prières
du petit matin les
petites
filles qui jouent à la puja les
bref,
toutes les choses du petit matin
demain
je me lève tôt parce que les
touristes
que j'ai rencontrés les
voyageurs
qui comptent les semaines qui leur restent sur les doigts qui
se
dépêchent pour tout voir à temps m'ont
proposé
d'aller avec eux de
glisser
sur les backwaters de
découvrir
des paysages inédits de
faire
des trucs intéressants mais ils ne
m'attendront
pas (et
ils partiront sans moi)
demain
je me lève tôt parce que j'ai un bus un train à prendre pour
partir
d'ici pour
explorer
d'autres rives d'autres
territoires
certains que je connais déjà d'autres dont je n'ai fait que
caresser
l'image et parce que ce n'est pas
sain
de rester si longtemps au
même
endroit (...paraît-il)
demain
je me lève tôt parce que les nuits sont trop
longues
trop
solitaires
dans ma chambre d’hôtel alors que le village est assoupi que
seul
le bruit des ventilos des grillons sème encore un peu de
discorde
dans
le silence
(et
quelques coqs insomniaques et les chiens aussi)
demain
je me lève tôt parce que c'est comme ça qu'il convient de
faire
de
vivre
de
voyager
parce qu'il n'y a pas de fêtes ni de clubs ni de cafés parce que
les gens se
couchent
tôt parce que la police a dit qu'il fallait se
coucher
tôt parce que c'est aux aurores qu'il fait
frais
parce
qu'il fait trop chaud après pour faire
quoi
que ce soit parce que c'est le matin que
tout
se passe
mais
j'ai un livre à lire un poème à
écrire
un dialogue à
poursuivre
avec
moi-même
et qu'il n'y a que dans le silence la nuit que je peux
m'entendre
penser parce qu'il n'y a que dans l'obscurité que je peux
regarder
mes ogres dans les yeux et en
rire
parce que j'aime la
nuit
parce que je n'ai pas envie de
me
coucher ni de dormir parce que je pourrais
par
exemple
prendre
le temps
enfin
de
passer du temps en compagnie du vent
et
peut-être sinon je rencontrerai des gens colorés des
somnambules
aussi peut-être nous causerons jusqu'à
très
tard peut-être je ne passerai pas la nuit seule peut-être
(peut-être)
et
aussi je m'en fous parce que j'ai pris un
aller
simple parce que je ne
compte
rien sur le bout de mes doigts ni le temps ni les
points
sur la carte et que je
n'ai
pas de comptes à rendre pas de
photos
à rendre à
qui
que ce soit
quand
que ce soit
quand
je rentrerai
(...si
d'ailleurs je rentre)
quoi
qu'il arrive je ne le sais que trop bien que demain je me lèverai
tard
parce que c'est mon
rythme
et que c'est
comme
ça mais je vais quand même me raconter des histoires me
faire
miroiter des impossibilités des
histoires
à dormir debout le matin oui parce qu'avant midi si je me lève je
dors
debout empêtrée dans une léthargie figée que ça ne
m'amuse
pas de boire tous ces litres de café pour enfin me
réveiller
demain
je me lèverai tard mais je vais quand même dire que
juste
parce que j'aime le comique de répétition que
je
me lèverai tôt
ha !
A.K.