j'aime
la nuit j'aime le
matin
je n'ai je ne sais pas quand dormir
j'aime
soulever le couvercle du crépuscule et soupçonner ce qui
crucifier
le jour
ce
qui se cache derrière
dessous
derrière les
c'est
vrai, mais
aller
au lit c'est toujours un constat d'échec
un
avis de défaite un renoncement une interruption volontaire de
patacaisse une
un
flop et quoi que nous ayons pu être en train de
de
faire
de
désirer
il
faut cesser
aller
au lit c'est un silence vulgaire qui s'abat sur la musique sur le
ce
n'est pas du tout pareil que qu'une sieste sur le canapé avec
kruder
et dorfmeister à donf et un ronron sur la panse
la
sieste est une activité saine un satori à durée déterminée un je
mais le mais la nuit qui
engloutit
ce
n'est
pas
la
nuit n'est pas ce n'est pas fait pour la nuit n'a pas vocation
à
engloutir la conscience
la
nuit est émancipatrice et je dis
je
dis zut raté
et
d'ailleurs parfois je campe
militante
enracinée sur le sofa
parce
que le lit ce lit ce grand lit là il est trop vorace il n'est pas
pour moi trop méchant trop
grand
trop
imposant
un
seul neurone vous manque et tout est déguerpi
(et
de toute façon il fait trop chaud)
aller
au lit c'est une exactitude une science
pour
certains
une
sorte d'aiguille plantée dans le temps
à
heure fixe
mais
moi le temps qui saigne ça me terrifie c'est un rififi contre soi
une espèce de
une
sorte d'exigence insatisfaisable
la
discipline est un art mineur et je la laisse
je
la laisse à ceux qui s'y connaissent en petites choses
aller
se coucher se c'est une forme d'appartenance
l'avenir
appartient à ceux qui se lèvent tôt
(l'avenir
c'est la mort connard)
puisqu'on
te dit que c'est facile et que tu n'as qu'à faire comme tout
comme
nous fermer les yeux c'est simple comme bonsoir
cher
monsieur je ne sais pas qui vous êtes
et
je n'ai pas le schibboleth
aller
au lit c'est une épreuve de force il faut surmonter
l'angoisse
il faut surmonter la
la
paralysie les palpitations la prostration l’allitération le
décloisonnement du réel ou pire encore
la
contemplation
d'une
fenêtre noire sur laquelle se dessinent
les
pires néants
on
a beau repousser pourtant
de
click en click en click en click
jusqu'à
ce que sur ce jusqu'à ce que gouffre s'ensuive
on
a beau se
on
sait ce qui va se passer si on y
si
on ose y
si
on y va
se
tourner se retourner face a face b rayée comme un vieux single
d'italo disco
rager
rallumer se dire qu'il suffit de mourir
ne penser à rien
c'est
trop flippant remettre de la musique parce que le silence est
insoutenable éteindre
rallumer
lire un
chapitre
pourquoi se relever pisser couper la musique éteindre
rager
rallumer lire une page pourquoi se relever remettre de la musique
mais douce éteindre
de
nouveau se masturber une et puis deux puis trois pourquoi
quatre fois comme une comme une
promesse
de se clouer les yeux à grands coups de doigts on a beau
c'est
perdu d'avance
l'abolition
de la peine d'aube est un projet politique
sauf
qu'il n'y a pas
sauf
qu'il n'y a pas de sans tarder ni de demain d'ailleurs
huit
heures de travail
huit
heures de loisir
huit
heures de
procrastination
huit
heures de
somnambulation
seize
heures de sommeil
quarante-huit
heures par jour1
journée
bissextile
le
temps perdu est d'une valeur inestimable
si
inestimable qu'on se
qu'on
se l'arrache sur les marchés
1la
loi précise en outre que la diminution du temps de travail
n'implique pas une diminution de salaire
A.K.
(Clin d'oeil à Antonella Eye Porceluzzi)