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26.2.16

Le langage des bébés


le bébé des voisins je l'ai euthanasié je l'ai tu je l'ai
délivré
il aboyait beuglait braillait sans arrêt c'était un
un vacarme inouï une sorte d'apocalypse prématurée je
ça faisait peur au chat

je n'en pouvais plus non c'est vrai mais je
ce n'est pas pour moi que je l'ai fait non pas pour moi non je l'ai
je l'ai délivré le pauvre enfant j'y ai réflé longuement réfléchi des heures durant pendant que les
murs en vibraient d'effroi tant il vociférait ce bébé c'était
on s'en serait tapé la tête contre le miroir

il m'a fallu toute une insomnie toute une nuit oui pour comprendre
que le poupon s'époumonait parce qu'il
il ne voulait pas être là non pas là c'était très clair
parce que quelqu'un qui hurle sa détresse avec autant d'obstination de manière si inflexible il ne il n'est
il n'est pas heureux non

alors je suis entrée en douce un soir que papa maman s'opiumaient devant la télé
je lui ai caressé la tête et j'ai murmuré ne crains rien bébé je vais mettre fin
mettre fin à ton calvaire je comprends moi que cet endroit ne te convient pas ça ne te convient pas non pas du tout
tes parents sont égoïstes ils ne pensent pas à toi mais moi je sais faire preuve
je sais faire preuve d'humanité

puis doucement tout doucement oui j'ai pressé l'oreiller je l'ai renvoyé
je l'ai renvoyé là d'où il venait
cet endroit que l'on ne connaît pas mais qui doit être assez joli mieux qu'ici en tout cas
à présent ils vocifèrent qu'il faut m'enfermer dans un asile une prison il y en a même pour vouloir
pour vouloir me trancher la tête

mais moi je sais je le sais bien oui que ce bébé
il était malheureux ce bébé c'est tout
malheureux comme les pierres et je n'ai fait que l'aider c'est tout
les adultes ils sont bêtes ils ne pensent qu'à eux
ils ne comprennent pas le langage des bébés

A.K.