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1.2.17

Paradis vu


l'image d'un paradis n'est pas la vue d'un paradis n'est pas le paradis d'une vue l'image
d'une vue l'image la vue gâchée finalement par le filtre
le filtre sale sur ta rétine
photocopie d'une photocopie d'une photocopie tout est
tout étriqué par la tout est fade et poisseux la réalité en immersion
dans la déprivation dans la
déprivation

voir une image de paradis ce n'est pas le paradis d'une image n'est pas l'image d'un ni
poisseuse mousson tristes tropiques
le sol tapissé de choses mortes et les murs de fongus
la viande enrobée de mouches et le col de l'utérus en flammes et cet inconnu ravi de faire ta
connaissance
non vraiment non pas là non vraiment pas là non pas non
j'ai les os humides et je n'ai plus non plus
de rythme circadien

il paraît qu'à la maison il fait froid il paraît
il paraît qu'à la ronde il y a des villages et des hermaphrodites
qui se livrent à des incantations
en saris sous la pluie sans électricité des rizières et des boues
à perte de vue
je suis allée au temple et j'ai négocié contre une paire de fruits
(encens, mantra, clochettes...)
j'ai négocié le sommeil et les dieux m'ont volée
arnaquée
donné plus de danse en tout et pour tout
l'incapacité d'éteindre les rythmes
les beats en boucle sous mes tempes
le cri du jour qui me rattrape
corbeaux crieurs grossiers klaxons et le balai des femmes
tous ligués contre ligués oui
pour arracher le sommeil à mes aubes
pour écarteler mon temps

époumophonées tes prières
éventotés tes inspections
écopuisée ta danse
éreinpietée ta détermination
pitié pour mes cernes !
et le putain de saloperie de dossier de presse à terminer pour hier !
ils attendront encore un peu tant pis pour mes roupies tant pis je ne sais pas plus pourquoi je persiste à
marchander leurs tapis travailler pour les autres

la vue d'un paradis c'est un décalcomanie posé sur le ciel
une carte postale crachée bien gluante
un peu d'haleine entabassée caféinée pour en rajouter juste une couche à l'ozone
ce sera ta contribution au gruau des nuages (voyage voyage )
l'exhalation des sifflements dans ta tête
linotte !
la fenêtre est une boite en 2d je réalise à présent
qu'on nous a menti bien embobinés oui :
la terre est ronde oui mais le ciel
le ciel est plat

et lorsque l'on te parle, tu n'entends que des sons

il y a bien la plage et les tortues mortes
il y a bien le goût du masala
pour te réveiller un peu
et parfois, entre deux hébétitudes
le sourire indulgent d'un enfant
qui sait bien que tu n'es pas des leurs même si
même si tu leur ressembles

parce qu'eux ils dorment et ils n'ont pas le temps non pas le temps non
de se demander pourquoi

et c'est indécent comme tout ici va si va si vite ici va si
bien que pourtant tu ne voies plus les choses
qu'au ralenti d'une photocopie tout est
le grand air comme un aquarium
bruits sourds et le vent son sourdine

la vue d'un paradis n'est pas l'image d'un paradis n'est pas la vue d'une image la vue
d'une image la vue l'image tronquée à la marge
les sous-titres cryptiques
qui s'effilochent
au fur et à mesure que le sommeil t'échappe
parfois, tu te sens cryptide
rêvée peut-être loin là-bas par un lunatique
un petit bâtard qui t'aurait
inséminée de paradoxes
et puis t'aurait lâchement
tatoué la nuit sur la rétine

A.K.