comme
il est bon de surfer sur les vieux grooves
de
ne pas se laisser raconter par les
pseudo-divas
du top et les
rappeurs
qui samplent d'autres rappeurs qui samplent d'autres choses que les
choses
de
ne pas se laisser raconter que les choses
sont
creuses
je
ne suis pas nostalgique je n'aurais pas voulu
avoir
vingt ans en 1969 avoir vingt ans
en
1979 avoir vingt ans en
en
1989 avoir vingt ans en
en
d'autres temps
j'aime
les machines et breaker des beats et je suis heureuse
d'avoir
inventé le trip-hop
(mes
racines sont d'un autre âge papa maman mangeaient par terre avec les
mains
leurs
jeux dans les rues de pondi leurs assortiments leurs interdits leurs
tabous
leurs
rideaux de fumée dans les temples
l'eau
pas courante et l'électricité qui ne marchaient
que
lorsqu'elles le voulaient bien
et
souvent pas du tout
tout
ça pendant qu'ici
des
philosophes acidulés leur enviaient leur état de nature
jusqu'à
l'absurde
parce
qu'à paris c'était l'ère du verseau)
je
me souviens juste de l'idée que je pouvais
faire
tout ce que je voulais que j'étais la première à pouvoir
faire
tout ce que je voulais
la
première de ma lignée et on pouvait bien remonter jusqu'à valkimi,
va !
et
que je n'avais pas même pas
même
pas lieu d'être reconnaissante
pour
ça
parce
que papa maman quoi qu'ils en disent au fond
se
pliaient volontiers à l'absence de règles
de
cet entre deux fleuves un peu froid
où
ils avaient choisi de me faire
naître
jouissance
d'une famille nucléaire
loin
l'hydre brahmanique
je
me souviens du vent sur la saône lorsque je griffonnais sur mes
sur
mes carnets avec mon vieux walkman à cassettes
enraciné
sur le crâne
je
me souviens de 1994
beth
en quête d'une raison d'une seule
je
me souviens de 1995
róisín
avec son pull moulant et est-ce que nous l'aimions ?
je
me souviens de 1996
adrian
en train de triturer l'apocalypse avec des boucles inversées
je
me souviens de 1997
nina
qui voulait aimer sous l'eau
je
me souviens de 1998
skye
enrobant le monde avec un chamallow
je
me souviens de 1999
lou
en train d'allumer un bûcher
un
cri si différent
si
différent oui
et
si mignon aussi
et
je me souviens de 2000
alison
ébauchant des utopies eugéniques parce que l'apocalypse
l'apocalypse
finalement
n'avait
pas eu lieu
(c'est
ma première jungle-party
la
marquise enflammée par une souris canadienne au visage de madone
je
me souviens de nos nuits blanches
si
pleines de plein et parfois l'envie de rentrer chez soi sans vraiment
pouvoir
parce
qu'il fallait bien parader
parce
qu'il fallait bien vivre
parce
que nous ne savions pas jusqu'à quand nous pourrions nous permettre
d'être
des électrons libres
et
aussi parce que de toute façon
nous
n'avions pas de voiture)
j'ai
vécu la révolution numérique
avec
un sentiment d'appartenance
l'outrage
et l'outrance étaient passés dans les mœurs et nous pouvions enfin
nous
soucier
de
l'esthétique
de
déconstruire nos icônes pop à l'infini
d'emmerder
les guitares avec des machines
d'insérer
la synthèse entre les images
avec
des clicks et des bleeps et des comptines électroniques venues
d'islande
en
toile de fond
et
c'est pour ça qu'il est bon de surfer
sur
les vieux grooves
mais
pour ne rien vous cacher non rien non
j'aime
aussi sally claire et yukimi
et
je ne suis pas nostalgique et je crois que j'aurais bien voulu
avoir
vingt ans en 2019
A.K.