femme
ne
pas décrire comme une
femme
je
voudrais bien ne pas décrire la condition oui
la
condition non
m'ancrer
dans un non-lieu de
femme
à
parler de
ces
hommes que je n'aime pas
ces
enfants dont je n'ai pas envie de
m'occuper
ces
complexes que je ne devine que dans
les
griffures des autres
femmes
je
voudrais bien juste être à qu'à
je
voudrais bien ne pas conter des conneries de
femme
ne
pas être binaire, ne pas être fascinée par les
couchers
de soleil et les arbres
les
paysages glissent sur moi, même les ciels ne parviennent à me
capturer plus d'un
instant
je
ne suis pas vraiment sensible aux
trucs
de meufs
j'aime
le bitume et les boulevards
j'aime
la foule du samedi
et
je n'ai pas peur de rentrer seule le soir
je
voudrais ne pas être étiquetée
femme
poétesse
non je suis
poète
pas
juste jolie qu'on dragouillotte au détour d'une
lecture
dans un bistrot
d'une
page facebook
et
qu'est-ce qu'elle écrit bien en plus
et
te dire que non je n'écris pas bien
en plus
juste
j'écris
je
voudrais ne pas porter la misère d'un genre, faire d'un doigt crochu
l'inventaire
des
exactions de l'autre
sexe
des
exactions dont je ne sais
pas
grand-chose
juste
qu'il ne m'a jamais pincé le bras lorsque j'étais petite
je
voudrais juste
femme
ne
pas
femme
avoir
à justifier toutes ces petites choses inconséquentes que je
couche
sur
l'écran de ma tablette
je
suis numérique
je
n'ai pas besoin d'encre pour écrire
je
n'ai pas besoin d'un sang d'encre menstruel
pour
écrire
femme
je
voudrais bien que l'on n'ait pas légiféré mon titre
que
l'on m'appelle encore mademoiselle
dans
les shops
dans
les bureaux
à
la banque et sur les enveloppes
parce
que madame c'était ma mère
une
vieille conne d'indienne bornée que j'aime et qui n'a jamais joui
que
je ne serai pas
je
voudrais bien d'ailleurs aussi ne pas avoir
à
pleurnicher l'absence d'orgasme
comme
un grand vide
le
souffle rauque des hommes qui se vident insatisfaisants
comme
un grand dégoût
m'encaisser
dans une sexualité de reflux
comme
une écrivaine
femme
ça
me dépasse cette manière qu'elles ont d'être
putes
ou frigides ou les deux
de
se sentir obligées
moi
je me mords les lèvres et c'est tout
et
c'est beau à regarder lorsque je
le
fais
je
voudrais bien ne pas écrire
femme
ne
pas penser
femme
ne
pas être catalalalalilaloguée
femme
ne
pas me plaindre
femme
admettre
qu'en tout étalage de cause je danse souvent jusqu'à très tard
et
chantonne au petit matin lorsque
je
hume
mon
café
et
que j'écoute
de
la musique fort pour agacer les voisins
que
d'ailleurs souvent au petit matin je
dors
et
c'est tout
je
voudrais bien ne pas courir avec les loups, psychanalyser la
reconquête d'une
féminité
que
je n'ai jamais perdue ni cherchée
femme
je
suis
mademoiselle
oui
princesse
parfois
c'est
juste un état de
fée
et
je n'ai pas du tout envie
d'en
parler
A.K.